Sel de mémoire
- Pierre
- 28 juil. 2015
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Se glisser doucement hors de la cabine, au soleil levant, voir du balcon sur la mer des poissons volants, vifs, argentés dans la lumière glorieuse de l'aube, s'élever au dessus des flots et replonger ; voir au loin un iceberg dériver sur les lieux mêmes du naufrage du Titanic, comme l'assassin retourne sur les lieux du crime ; s'assourdir au vent, aux écumes des vagues déchaînées ; contempler le jeu incessant de la houle, espérer la baleine ; être surpris par des dauphins soudain, par un sterne seul dans l'immensité ; rêver sur la lune gibbeuse argentant les nuées de la nuit ; chercher à s'imprégner, à tout retenir, se gaver d'émotions et de beautés, de soleils rougeoyants, de l'immensité ; désespérer de pouvoir tout garder, chaque instant, chaque reflet des lames, chaque nuance du ciel, chaque rire sous les ors des salons ; savoir hélas que les yeux et la tête sont pleins de fuites, que les impressions s'évaporent... En garder néanmoins le plus de sel brillant, comme un trésor précieux sur les marais de mémoire....
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